1/ L’imparfait, le présent
à Lyon
hier descendre de la colline
de la ville et le flamboiement.
et aujourd’hui le flamboiement :
j’allais et je vais
c’est encore temps hier
et aujourd’hui
certains vivent encore et
se souviennent et nous disons de certains.
je vais à ceux-là
avec un printemps
– ils se questionnent de cette saison
là dans le flamboiement de lèvres
qui accompagne –
nous pouvons avoir commencé des hier
pour aujourd’hui encore
lampe, fenêtre et dehors, table
et livre, flacons des corps. après,
hier est hier, est peu loin,
incarné en corps, avec
la chance et ses yeux,
un profil qui n’en revient pas
je le vois bien, et qui boit
la phrase, et aujourd’hui il,
a grandit, il est autre.
son verbe a son temps là.
ce n’est pas tout à l’heure, pas
ce qui vient d’être.
ce qui vient d’être sous la pluie
était poursuivi par les chiens,
ou alors se dressait, peuplier
en finesse de sa perte du feuillage,
gris entre les ocres et les jaunes.
ou alors allait son chemin,
essayait le pied au sol, mais
sans cesse au haut la pensée.
et revenait. cet imparfait
là n’est pas celui d’hier, hier
absenté, quelques temps, ailleurs.
c’est bien hier, ou disons
même avant-hier. nous
traversions un fleuve, « il coule
notre histoire », avons-nous ajouté.
comme : immeubles, rues, cette
ballade fredonnée à pied.
là des familiers – nous pouvions
les croiser, surpris – habitent.
et bien sûr l’impalpable :
les souvenirs nous arrivaient.
tu, est aujourd’hui mais
oblige à l’imparfait. Je,
dit d’hier et des temps.
à nos heures aujourd’hui :
connaissance
dans la parole et les phrases
de lieux et humains.
avale ainsi l’espace laissé
et tout cela est bien au présent,
aujourd’hui peut dire « c’était »,
et c’était « ces jours déraisonnables ».
par exemple, car il y eut de l’avant,
de l’enfance toute raisonnable.
mais restons à hier, cet hier
que nous magnifions d’un visage,
en aval des ans, du c’était,
pour accompagner l’aujourd’hui
cela se passe bien à ce moment
quand dans le gris le ciel s’éclaire :
à ouvrir les yeux du sommeil,
une lumière y vient à travers
feuillage ou vitrage et air et
une sorte d’énergie de bonheur
alors qu’en lisant Beth il
croyait lire les waves de Virginia,
aujourd’hui, hier n’est pas si loin.
on peut en sourire, en avoir
une tendresse infinie de son présent,
les mains chaque jour pleines,
chacun aujourd’hui étonné
que hier fut encore
sa langue. celle qu’elle écrit,
et très vite hier a quelques jours.
que nous avons aimés. aujourd’hui
c’est demain que nous attendons,
c’est mettre le verbe au futur
qu’il va falloir : nous devrons.
ma langue lui ai-je dis, celle
linéaire : de fait c’est celle-là,
là que je lui parle demain,
qui a la sienne propre,
Jean de Breyne, Duende, L'invention du lieu (extrait), Avril 2021